Climat, biodiversité, inégalités, qualité de vie, accès au logement, à l’emploi, à l’éducation... France Stratégie et le Comité économique, social et environnemental (CESE) ont lancé une concertation publique “afin de trouver les 10 indicateurs permettant de mieux prendre en compte toutes les dimensions du développement”. 

Pas de doute là-dessus: même s’il est pris en compte dans toute l’économie marchande par gouvernements, journalistes et autres économistes, comme un phare indiquant le chemin à suivre, le Produit intérieur brut (PIB) et sa croissance ne font pas le bonheur. Pour bon nombre d’experts, étant donné qu’il ignore que l’économie elle-même dépend de ressources physiques -qui plus est pour la plupart non renouvelables- ce tandem PIB-croissance donne en effet une fausse impression de monde infini. S’il est un phare, il nous conduit ainsi plutôt directement sur les récifs.

Nouvelle loi pour "la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques”

Ainsi, le think tank de la transition carbone The Shift Project a par exemple déjà proposé de “remplacer le PIB selon ses usages”: bâtir une évaluation de la puissance des nations mettant en avant des données économiques mais aussi militaires, financières, démocratiques, culturelles, écologiques ainsi que leur émancipation de la « contrainte énergie-climat »; bâtir de nouvelles mesures du bien-être, aux différentes échelles de territoire, à partir d’une écoute véritable des citoyens (comme le font le Japon, la Nouvelle Zélande, la Grande-Bretagne); répartir les crédits européens non pas en visant seulement une harmonisation du PIB par habitant mais en visant également une convergence vers une indépendance énergétique ou une émission réduite de C02 par habitant; mesurer un déficit budgétaire en pourcentage du budget de l’État et non de la « richesse nationale »; définir des politiques économiques à travers des objectifs précis : balance commerciale, indépendance énergétique, taux d’emploi, etc., sans référence à la croissance du PIB.

Les limites du PIB sont également pointées par la récente loi visant “à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques”. Proposée par la députée écologiste Eva Sas et promulguée en avril, cette loi stipule que “le gouvernement remet annuellement au parlement, le premier mardi d'octobre, un rapport présentant l'évolution, sur les années passées, de nouveaux indicateurs de richesse, tels que des indicateurs d'inégalités, de qualité de vie et de développement durable, ainsi qu'une évaluation qualitative ou quantitative de l'impact des principales réformes engagées l'année précédente et l'année en cours et de celles envisagées pour l'année suivante, notamment dans le cadre des lois de finances, au regard de ces indicateurs et de l'évolution du produit intérieur brut.” La loi ajoute que ce rapport “peut faire l'objet d'un débat devant le parlement”.

Le CESE et France Stratégie unis pour “proposer 10 indicateurs pertinents et répondant à la définition du développement durable donnée dans le rapport Brundtland"

Le commissariat général à la stratégie et à la prospective France Stratégie et le Comité économique, social et environnemental (CESE) ont également un avis similaire: “Le PIB reste un indicateur précieux pour mesurer la richesse d’un pays. Pourtant il montre certaines limites : il ne rend pas compte des multiples dimensions du développement, néglige l’état des ressources et est indifférent à la répartition des richesses ainsi qu’aux effets sur l’environnement”, soulignent-ils. Pour eux aussi “mesurer le développement d’un pays requiert de s’intéresser à un plus grand nombre de dimensions tant économiques que sociales ou environnementales”. Cependant, ils estiment qu’à ce jour ”aucun jeu d’indicateurs complémentaires n’est suffisamment reconnu et visible pour être réellement repris dans le débat public de notre pays”. Pour qu’il en soit autrement, “ces indicateurs doivent être partagés par le plus grand nombre”, selon eux.

Ainsi, dans le prolongement de la loi mise en place grâce à Eva Sas, les deux organismes se sont unis pour lancer une concertation publique afin de “proposer 10 indicateurs pertinents et répondant à la définition du développement durable donnée dans le rapport Brundtland paru en 1987”. Pour rappel, ce rapport souligne notamment que “le genre humain a parfaitement les moyens d’assumer un développement durable”, c’est-à-dire “de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations à venir  de satisfaire les leurs”. Le rapport Brundtland indique également que cette notion de développement durable implique “des limites”.

Les thèmes envisagés: climat, biodiversité, qualité de vie, inégalité de revenus, santé, situation financière du pays, investissements productifs, accès à la culture, accès à l’éducation, accès à l’emploi, accès au logement, recyclage des déchets, accès au numérique, sécurité...

Ouverte jusqu’au 22 mai, la consultation du CESE et de France Stratégie a proposé aux personnes qui participaient, de noter les indicateurs qu’il faudrait selon elles mettre en place. Dans une liste de 14 thèmes - climat, biodiversité, qualité de vie, inégalité de revenus, santé, situation financière du pays, investissements productifs, accès à la culture, accès à l’éducation, accès à l’emploi, accès au logement, recyclage des déchets, accès au numérique, sécurité- elles devaient également mentionner les trois qu’elles jugent les plus importantes.

« Pour pouvoir être crédibles, les indicateurs retenus doivent être lisibles, disponibles tous les ans en vue d’un débat au mois d’octobre à l’Assemblée, comparables à la fois dans le temps et avec les autres pays ainsi que déclinables sur les territoires », souligne France Stratégie. Dans le cadre de ce processus de désignation de ces indicateurs, France Stratégie et le CESE ont déjà réuni « un groupe de travail d’une soixantaine de personnes, des représentants des partenaires sociaux, de la société civile, des administrations, des organisations internationales, des experts et universitaires ». Par ailleurs, la consultation publique doit être accompagnée « de discussions avec les parlementaires et les collectivités territoriales ».

Une question centrale sera d’observer dans quelles mesures ces nouveaux indicateurs mettront, à la manière du modèle Meadows, des limites à la croissance du PIB et à la foi toute “religieuse” que les économistes lui portent. Issu du travail de scientifiques spécialistes des systèmes, ce que l’on appelle le modèle Meadows est une approche des risques d’effondrement de notre société. Ayant donné lieu au rapport Meadows, validé par les industriels du Club de Rome dès 1972, il démontre que si notre développement à la surface de la planète conserve des croissances exponentielles de la population et du capital (capital global servant à la production matérielle), comme actuellement, alors notre système de fonctionnement dépassera des limites létales et s'effondrera tôt ou tard. Pour Dennis Meadows, nous avons maintenant clairement franchi ces limites.

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