« Retirer les capitaux du problème pour les injecter dans les solutions » : c’est ce que l’ONG 350.org invite chacun à faire, notamment à travers une journée internationale du désinvestissement. Fin 2014, « 181 institutions et gouvernements locaux et 656 particuliers détenant plus de 50 milliards de dollars d’actifs se sont engagés à retirer leurs fonds des combustibles fossiles », estime-t-elle. En France, elle demande au Fonds de réserve des retraites, qui dépend de la Caisse des Dépôts, de retirer plus de 2 milliards d’euros investis dans l’industrie fossile.
De l'Amérique à l'Europe, de l'Europe à l'Asie et à l'Océanie, l’association de lutte contre le réchauffement global "350.org" a mis en place une « Journée mondiale du désinvestissement » des énergies fossiles, en février. Objectif de cette opération "Go Fossil Free: iinciter tout citoyen et toute institution à retirer son argent des actifs liés au pétrole, au charbon et au gaz, et à ne plus investir dans les activités « fossiles ». Si ce mouvement prend de l'ampleur aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou encore en Allemagne, il débute en France. Première action: France Libertés, ATTAC et les Amis de la Terre ont lancé une campagne demandant au Fonds de réserve des retraites, qui dépend de la Caisse des Dépôts, de retirer ses plus de 2 milliards d’euros investis dans l’industrie fossile et de les réinvestir dans les énergies renouvelables.
« Il s’agit de la meilleure façon d’améliorer les perspectives futures des populations et de la planète »
« Alors que la crise climatique ravage déjà notre planète, nos gouvernements ont décidé de limiter le réchauffement global à 2°C afin d’empêcher un changement climatique catastrophique. Cela sous-entend que 80% des réserves connues de pétrole, charbon et gaz devront restés dans notre sous-sol. Les lobbies de l’industrie fossile empêchent tout progrès politique dans cette direction. Le seul choix qu’il nous reste est d’affronter l’industrie fossile directement. Comme première étape, la logique veut que l’on arrête de leur donner notre argent », argumente 350.org.
« Le désinvestissement est un outil essentiel pour faire passer le monde des combustibles fossiles aux énergies renouvelables », souligne Payal Parekh, directrice générale mondiale de 350.org. « Le mouvement de désinvestissement est un exemple que les gouvernements doivent mettre en pratique en retirant leurs capitaux du problème pour les investir dans la solution ». Pour elle, « il s’agit de la meilleure façon d’améliorer les perspectives futures des populations et de la planète ».
Selon May Boeve, directrice administrative, ce mouvement de désinvestissement des combustibles fossiles « s’est rapidement développé au cours des deux dernières années et se lance aujourd’hui à la conquête du monde ».
« Une stratégie clé dans l’optique des négociations climatiques de l’ONU qui se tiendront à Paris en 2015 »
Fin 2014, « 181 institutions et gouvernements locaux et 656 particuliers détenant plus de 50 milliards de dollars d’actifs se sont engagés à retirer leurs fonds des combustibles fossiles. D’après une étude de l’université d’Oxford, le mouvement de désinvestissement des combustibles fossiles croît plus rapidement qu’aucune autre campagne de désinvestissement antérieure et représente une menace considérable pour les bénéfices de l’industrie des combustibles fossiles », estime l'organisation.
La Journée mondiale du désinvestissement avait également pour objectif de « profiter de l’élan suscité par la Marche populaire pour le climat de septembre dernier, qui a rassemblé plus de 400 000 personnes dans les rues de New York et des centaines de milliers de participants supplémentaires dans le reste du monde ». Les organisateurs considèrent en plus le désinvestissement comme « une stratégie clé dans l’optique des négociations climatiques de l’ONU qui se tiendront à Paris en 2015 ».
Les actions entreprises au cours de la Journée mondiale du désinvestissement ont été variées: En Afrique du Sud, où le mouvement de désinvestissement des années quatre-vingt a joué un rôle déterminant pour précipiter la chute du régime d’Apartheid, l’accent a été mis “sur certaines des plus grandes banques du pays qui ont une responsabilité essentielle dans la dépendance croissante de l’Afrique envers les énergies fossiles”. Aux États-Unis et en Grande Bretagne, des étudiants ont organisé des “sit-ins et des flashmob sur les campus”. Au Japon, au Népal et en Ukraine, des militants ont à nouveau appelé les institutions à désinvestir. À Sydney, à Londres et à New York, les militants ont pu se rassembler “pour sensibiliser l’opinion à la menace que représente la bulle carbone”. En Californie, des activistes ont lancé “une nouvelle campagne d’importance visant les fonds de pension de l’état”. En Australie, des citoyens ont retiré “leur argent des banques qui financent l’industrie du charbon dans le pays”.
« Personne n’empêchera ce mouvement d’atteindre son but. Le désinvestissement vise rien moins qu’un futur juste, propre et sûr pour chacun »
« Aux États-Unis, le désinvestissement des combustibles fossiles est une façon d’exercer pouvoir et influence au nom des gens ordinaires sans disposer des milliards d’une industrie richissime. Des étudiants et des membres des communautés de l’ensemble des États-Unis joindront leur voix à celle d’habitants d’autres continents pour demander que les fonds de pension et les universités cèdent immédiatement leurs titres liés aux combustibles fossiles pour contribuer à combattre la menace du changement climatique », estime Jay Carmona, responsable de la campagne de désinvestissement pour la communauté des États-Unis.
« Tandis que les leaders politiques d’Australie défendent les intérêts de l’industrie des combustibles fossiles, le mouvement de désinvestissement défend ceux qui en sont victimes : les communautés locales, l’air, la terre et l’eau et le climat. Personne n’empêchera ce mouvement d’atteindre son but. Le désinvestissement vise rien moins qu’un futur juste, propre et sûr pour chacun, » commente pour sa part Charlotte Wood, directrice de campagne à 350.org Australie.
« Nous demandons que l’argent public soit investi dans des solutions préservant une planète vivable plutôt que dans les combustibles fossiles qui détruisent nos moyens de subsistance »
« Les peuples indigènes du monde entier sont menacés par le changement climatique. Nous, les Lapons, exigeons le respect de nos droits humains en solidarité avec les autres communautés les plus exposées et appelons les institutions publiques à nous soutenir. Nous demandons que l’argent public soit investi dans des solutions préservant une planète vivable plutôt que dans les combustibles fossiles qui détruisent nos moyens de subsistance », annonce en Suède Áile Javo, président du Conseil lapon.
May Macapobre, au centre de développement des agriculteurs, dans les Philippines, lui fait écho : « La transition des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables devient indispensable pour les personnes vivant dans les régions vulnérables du monde. Un peu plus d’un an s’est déjà écoulé depuis le passage du typhon Haiyan et les Philippins attendent toujours que justice soit faite. Cette tragédie nous rappelle cruellement pourquoi les gouvernements du monde développé doivent retirer leurs capitaux des énergies sales pour les investir dans les solutions. »
350.org est une ONG dont l’objectif est de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre et un mouvement global pour les solutions climatiques. Le nombre 350 fait référence à la concentration de CO2 (350 ppm) qu’il faudrait dans l’atmosphère pour rester en deçà d’un niveau de réchauffement de l’ordre de 1,5 - 2°C. Nous sommes à ce jour quasiment à 400 ppm.